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Impact des investissements des entreprises dans l’immatériel

Investissement capital immatériel

Article rédigé par Hugo Ballansat en décembre 2021

Dans la course actuelle à la croissance économique et sociale, les actifs immatériels possèdent une place prépondérante. Cependant, la force du capital immatériel est encore largement sous-évaluée et sous-employée. Le rapport Investissement dans l’Immatériel pour l’Industrie, commandé par la Ministre déléguée chargée de l’industrie, doit permettre une prise de conscience de l’importance de ce capital tout à fait particulier en France.

En France, seulement 30% des PME et des ETI investissent chaque année dans l’immatériel. Le capital immatériel est défini par l’INSEE comme suit : « montant cumulé brut incluant les frais d’établissement, frais de recherche et développement, concessions, brevets et droits similaires, sites Internet, fonds commercial, autres immobilisations incorporelles, avances et acomptes sur immobilisations incorporelles ». Une minorité des entreprises françaises profitent donc des avantages économiques et sociaux procurés par les actifs immatériels. Dans cette minorité, une grande partie doit encore investir davantage pour profiter pleinement de leurs effets positifs. Par conséquent, il existe une réelle faiblesse de l’industrie française concernant l’investissement dans le capital immatériel.

Pour répondre à cette faiblesse et face à l’absence d’études académiques liées à ce sujet, le projet i3 – Investissement pour l’Immatériel dans l’Industrie – a été lancé fin 2020 par le Ministère de l’Industrie, l’Observatoire de l’immatériel et Bpifrance. Son objectif est d’éclairer les décideurs publics et privés sur les tenants et aboutissants de la mise en place de stratégies favorables à l’investissement dans l’immatériel, en évaluant la corrélation entre l’investissement des entreprises industrielles dans l’immatériel et la performance opérationnelle, économique et extra-financière de ces entités. La nouveauté de ce rapport réside dans la précision et la profondeur de son analyse à travers l’exploitation de la littérature antérieure et des bases de données reconnues.

Dans une première partie, le rapport décrypte les données de l’enquête de conjoncture PME de Bpifrance pour déterminer les tendances actuelles de l’investissement dans l’immatériel au sein des entreprises françaises. Globalement, la dynamique d’investissement dans l’immatériel est positive pour les entreprises industrielles françaises sur les deux dernières décennies grâce à l’augmentation des investissements moyens de chaque entreprise dans le capital immatériel. Ainsi, parmi les PME investissant dans l’immatériel, l’investissement médian était de 20 000 euros en 2020. Cependant, au sein même du secteur industriel, on note de grandes disparités sectorielles avec des variations importantes entre les différentes activités industrielles. Les entreprises de l’industrie des biens d’équipement ou de consommation sont surreprésentées parmi les entreprises investissant dans l’immatériel.  Cette disparité se retrouve dans l’étude des données FARE de l’INSEE.

Grâce à l’ensemble des données collectées, le rapport essaie finalement de dresser le portrait des entreprises investissant dans le capital immatériel.

Dans une deuxième partie, le rapport s’intéresse au lien entre investissements dans le capital immatériel et performance. Trois types d’actifs immatériels sont mis en avant : les investissements en R&D, le capital humain et les actifs immatériels organisationnels. Détaillons.

L’impact de l’investissement dans la R&D et dans l’innovation sur les performances opérationnelles et économiques n’est plus à prouver. Les entreprises innovantes seraient ainsi susceptibles d’avoir des rendements financiers supérieurs de 11% par an grâce à l’impact sur le processus opérationnel et sur la mentalité au sein de l’entreprise. Cependant, cet investissement ne garantit pas une hausse systématique de la performance car le comportement des concurrents est déterminant, ce qui rend complexe l’analyse de ces stratégies d’investissement par les acteurs financiers.

Cependant, la capacité d’innovation n’est rien sans l’investissement dans le capital immatériel humain, que ce soit la relation client, le capital fournisseur, le capital humain ou le développement des réseaux sociaux de l’entreprise. Ces actifs permettent de générer davantage de valeur comparativement à des entreprises ne disposant pas de leur force.

Au-delà des apports directs de la R&D et du capital humain dans les performances opérationnels et économiques de l’entreprise, de nombreuses études montrent que les actifs immatériels organisationnels, comme l’investissement dans la responsabilité sociale de l’entreprise, l’intégration verticale ou l’internationalisation des sociétés, participent à générer une valeur supplémentaire à l’entreprise. La relation entre ces investissements et leur performance financière n’est toutefois pas linéaire : ils doivent atteindre un certain niveau sans quoi les parties prenantes ne sont pas prêtes à s’engager et la performance financière est moindre.

Finalement, cette relation positive entre l’investissement dans l’immatériel et la performance financière des entreprises est validée par l’analyse des données de l’enquête de conjoncture PME Bpifrance et par les données FARE de l’INSEE. Une relation croissante linéaire est établie entre l’investissement dans le capital immatériel et la croissance du chiffre d’affaires et une relation curvilinéaire existe entre le même investissement et la rentabilité financière avec un point d’inflexion à 100 000 euros d’investissement pour les PME et un point d’inflexion à 1,5 million d’euros pour les PME et ETI. Sachant que 95% des entreprises investissent moins de 50 000 euros dans l’immatériel, cet investissement n’est que très peu rentable pour les PME françaises. L’investissement dans l’immatériel n’est donc ressenti que par les entreprises de grande taille et investissant suffisamment dans l’immatériel. Il ressort également du rapport que les entreprises possédant le plus d’actifs immatériels tirent une meilleure performance d’un investissement supplémentaire dans ces actifs car elles disposent déjà des capacités pour absorber le coût que représente un tel investissement. Néanmoins, un stock préalable d’actifs matériels n’a pas d’influence concrète sur l’investissement dans les actifs immatériels.

Dans une dernière partie, l’effet de l’investissement dans le capital immatériel sur les performances extra-financières des entreprises est étudié. La mesure de la performance extra-financière de ce rapport se fait par l’analyse des emplois créés par les entreprises. Ainsi, l’investissement dans le capital immatériel entraîne une croissance de 6 à 7% des emplois sur un an. Cette croissance est davantage tirée par la croissance des emplois masculins, même si la croissance des emplois féminins n’est pas négligeable. Elle bénéficie également à toutes les catégories d’emploi.

Les rédacteurs du rapport sont toutefois clairs : il ne faut pas conclure que les entreprises devraient investir toutes leur capacité de financement dans les actifs immatériels. En effet, les effets positifs liés aux actifs immatériels (notoriété, mobilisation des parties prenantes, etc.) ne sont pas illimités et atteignent rapidement un seuil à partir duquel le retour sur investissement est assez faible. 

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